Un vendredi comme les autres.
Je viens de récupérer Mister K de l’école. Je prépare le goûter. Et lui , n’arrête pas de sauter dans tous les sens. Il est surexcité.
Mais pourquoi ?
Je sens qu’il a un truc à me dire. Puis une pub à la télé , parle du Match France-Allemagne. Je dis : « on regardera ça au chaud sur notre canapé ».
Mais Mister S m’interrompt et me dit : « non ce soir on sort , on y va. »
Je suis étonnée. Il a acheté des places. Je n’en reviens pas. J’adore le football et plus particulièrement l’ Equipe de France depuis que je suis toute petite. Et j’adore partager cette passion avec mon fils.
Sur le coup , je lui dis mais les enfants. Ce n’est pas possible. Il me dit que Mister K vient avec nous et que Miss O et Mister D seront gardés par la super marraine de Mister D.
Je suis un peu stressée. C’est la première fois que je vais laisser Mister D à garder.J’ai totalement confiance en sa marraine.
Je suis trop contente. En tant que fan je n’ai jamais eu l’occasion d’aller à un match.
Ce sera mon premier match et surtout mon premier match avec mon grand.
Je suis fière de l’emmener là-bas. Il est est tout content. Bon il stresse un peu car pour Mister K tout ce qui est nouveau et stressant. Donc on a le droit au mal de ventre et mal de tête.
Nous préparons avec Mister K , nos tenues. Bah oui match oblige on sort nos maillots. Pendant ce temps là miss O et Mister S vont récupérer notre super nounou du soir. Je lui explique un peu les habitudes de Mister D, où trouver les choses et surtout si elle n’arrive pas à m’avoir qu’elle appelle ma sœur qui n’est pas loin en cas de soucis.
Nous voilà parti ,tout beaux , avec nos maillots.
Nous prenons les transports et on arrive là-bas. Mister K est impressionné de voir tous ces supporteurs .Du coup il a envie de faire pipi. Mister S l’emmène dans un coin et pendant ce temps-là je file lui faire une surprise. Je lui prends un drapeau et une main de supporter à la boutique officielle.
Surprise le revoilà , il est tout heureux.
Nous rentrons dans le stade après avoir été fouillés et nous nous installons à nos places. Nous sommes super bien placés. Nos visages sont si heureux. Mon fils rayonne de joie même impressionné.
J’envoie des messages à ma famille pour leur dire que je suis au stade.
On ne sait jamais ils peuvent peut-être me voir à la télé.
Puis un dernier coup de fil à la maison pour être rassurée : tout va bien . Il dort déjà.
Le match commence.
Cela nous fait bizarre. Pour notre première fois, nous sommes surpris de la perception du jeu. Puis de grosses détonations. Mister k me demande ce que c’est . Je lui dis que je ne sais pas. Surement de gros pétards. Je le rassure et nous continuons de regarder le match paisiblement. Sans savoir ce qui se passe réellement dehors.
C’est la mi-temps.
Je consulte mon téléphone pour envoyer un message à la maison. Mais pas de réseaux. Ca me soûle. Je peste sur mon téléphone en me disant que c’est vraiment nul que je capte jamais rien. En plus j’ai plus beaucoup de batterie. Je saurais par la suite que les réseaux ont été brouillés pour empêcher que la peur s’installe dans le stade sur les 80 000 spectateurs.
C’est bientôt la fin du match, mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Je vois que c’est ma sœur qui essaye de me joindre. J’essaye de décrocher mais à chaque fois ça raccroche.
Maudit téléphone.
Je m’inquiète un peu car j’avais dis à la marraine de Mister D qu’ en cas de soucis de téléphoner à ma sœur.
Coup de sifflet final.
Ca y est j’arrive à décrocher. Je demande à ma sœur s’ il y a un souci à la maison. Elle me dit non tout va bien à la maison. Mais là elle a juste le temps de me dire qu’il y a eu des bombes qui ont explosé autour du stade puis nous sommes coupées. Mon visage se décompose. Mister S me demande ce qu’il y a . Je lui explique le peu que j’ai entendu et compris. Je lui dis qu’il faut qu’on rentre vite dans notre maison.
Un message dans le stade retenti : suite à des événements extérieurs au stade , certaines portes seront fermées veuillez vous diriger vers d’autres sorties.
Nous voilà engagé dans une sortie. Il y a trop de monde. Je demande à Mister S de porter mon grand garçon. Il n’est pas très grand pour 7 ans. Il va avoir du mal à respirer dans toute cette foule.
Nous franchissons le portail. Je tente de rappeler ma sœur. Je n’y arrive plus. Mon téléphone m’indique que je n’ai bientôt plus de batteries. C’est toujours les jours où on en a besoin que le téléphone est vide.
Puis je n’ai pas le temps de réaliser , j’entends des cris et tout le monde se met à courir vers nous.
Je ne réalise pas .J’ai peur.
Je me suis dit qu’ils étaient là et que c’était fini pour nous. J’ai à peine le temps de me retourner pour courir que je me fais bousculer , ma tête heurte une grille. Je perds de vue Mister S qui porte mon fils. Je crie son nom. Ca y est je l’ aperçois. Je le regarde en pleurs et je lui dis :
« arrête de courir : écoute il n’y a pas de cris , de bruits bizarres. On ne sait même pas pourquoi on court. «
Nous retournons dans l’entrée du stade pour nous mettre à l’abri.
Mon esprit ne fait qu’un tour. Je pense à Mister D. S’ ils nous arrivent quelques choses , il sera tout seul sans ses parents.
Je veux rentrer chez moi.
J’aperçois un vigile de la sécurité. Je l’aborde. Elle a l’air d’avoir aussi peur que moi. Un autre vigile vient la chercher et lui donne des consignes à exécuter tout de suite. Merci pour votre courage car vous y êtes allées sans savoir ce qui pouvait vous arriver afin de faire votre métier. Une autre personne m’aborde avec un casque sur les oreilles : c’est le grand responsable de la sécurité. Il me dit que tout va bien , qu’il n’ y a rien.
Je lui dis : « ne me mentait pas tout va pas bien , j’ai toute ma famille qui m’appelle : je sais ce qui vient de se passer.Je veux savoir si on peut franchir cette grille, s’il n’y a personne dehors car tout le monde court et se bouscule. »
Au loin, on entend un papa qui appelle son petit garçon.
Il me répond que c’est bon qu’il faut qu’on rentre chez nous.
Nous sortons et nous nous dirigeons vers le RER , il y a énormément de monde , des policiers lourdement armés son autour de nous. Il sécurise les alentours , les passages souterrains, la gare RER.
Je regarde mon fils, je ne vois pas trop de détresse sur son visage, il est juste très fatigué.
Nous sommes enfin dans le train , un monsieur en face de nous nous explique discrètement ce qui se passe.
Je suis écœurée , je n’ai pas de mots. J’ai peur. j’ai des larmes au coin des yeux. J’arrive à avoir ma sœur qui décide de venir nous chercher à Nation. Une semaine plus tard j’apprendrais que les chefs terroristes ont emprunté le même RER que nous à la même heure.
Arrivés à Nation , je m’aperçois qu’un drame s’est produit à 500 mètres de là.
Ce n’est pas possible.c’est un cauchemar. Je veux être dans ma maison à observer mon fils dormir paisiblement.
Nous sautons dans la voiture de ma sœur. Mon fils s’endort. Je n’ai plus de mots que des larmes. Je réponds aux messages avec le peu de batterie qui me reste pour rassurer mon entourage.
Je franchis la porte de mon appartement. Je me dirige vers le lit de Mister D. Il vient de se réveiller.Je le prends dans les bras pour m’apaiser. Il me sourit. Cela me fait du bien. J’éteins la télé car je ne veux pas entendre ces horreurs .
Je ne suis pas prête à les entendre.
Miss O est rassurée de nous voir rentrer. Elle s’inquiétait. Elle part se coucher.
Je pars m’allonger dans mon lit à coté de Mister D. Mister S viendra me rejoindre par la suite. Je pleure. Il me dit qu‘il est désolé d’avoir mis notre vie en péril.
Ce n’est pas de sa faute. nous avons le droit de sortir. Depuis quand sortir est devenu dangereux.
Depuis ce jour, et à chaque fois que je parle de cette soirée les larmes me viennent. Je n’aime pas que les gens autour de moi parlent de cette soirée.C’est un peu le mot interdit en ce moment comme le nom du sorcier dans Harry Potter .
Je surveille Mister K car il a des souvenirs qui lui reviennent mais plusieurs jours après. C’est un enfant sensible. Mister S arrive à continuer. Moi c’est plus dur. Je n’ai pas envie d’aller dans un endroit si on n’ est pas tous ensemble. Il faut qu’au moins un d’entre nous soit avec les enfants.
Je sais c’est peut-être bête mais pour l’instant je n’y arrive pas .
J’ai peur et j’ai le droit d’avoir peur. La peur n’est pas un sentiment réservé qu’aux enfants.Je fais des efforts pour que mes enfants ne ressentent pas mes sentiments.Je veux continuer pour eux.
Samedi, ce sera ma première sortie sur Paris depuis ce drame. J’appréhende un peu. Je serais surement angoissée mais j’y arriverais pour eux.
Ce fameux soir restera dans ma mémoire à jamais…Ce fameux soir où une partie de moi a été brisée mais je ne me laisserais pas me renfermer….pour mes enfants , ma famille et tous les gens que j’aime.
Et vous comment avez-vous vécu cette soirée et vos enfants ont-ils eu des réactions particulières ?
Je viens de lire ton article et j’en ai la chair de poule ! Oui tu as raison, tu as le droit d’avoir peur mais tu es forte et petit a petit tu vas reussir a surmonter ce choc.
Quand mon homme m’a dit ce qui s’était passé, j’ai tout de suite pensé à toi et a la photo que tu avais mise sur Facebook… J’ai eu peur pour vous.
J’espère que le temps fera son œuvre et que bientôt cette peur te quittera.
Bises a vous.
Isa
merci à toi. Heureusement que je suis bien entourée car j’en ai besoin.
Ohlala, c’est sûr que ça ne doit pas être facile… Réaliser qu’on a été en plein coeur de cette horreur… C’est normal et c’est sain d’avoir peur!! Mais la vie continue, et le plus important est de ne pas s’enfermer dans cette peur!
C’est grâce à mes enfants que je me suis pas enfermée dans cette peur.
Oh punaise, je comprends que tu sois marquée a vie plein de bisous
Je me souviens de cette soirée… Je zapper sur la télé et j’étais sur mon téléphone… Mon cousin y était avec ses neveux, le copain de sa sœur….
Bon courage, tu dois y penser encore plus ce soir